L’UE, l’OTAN et l’alliance occidentale ont complètement lâché la population d’Europe de l’Est. L’amour non partagé des anciens pays du bloc soviétique se transforme lentement en mépris. L’Euromaidan et la guerre civile qui a suivi ont mis à nu un vieux fossé idéologique et culturel. Avec Bruxelles et l’OTAN ébranlées par les événements récents, la propagande de peur servant à influencer les nations alignées, perd de son efficacité.
La rencontre à Moscou entre le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, et Mme Zinaida Greceanîi, ancien Premier ministre moldave et actuel chef du parti socialiste, révèle le glissement général de l’Est vers la Russie. Pendant que le monde regarde et attend le prochain épisode éblouissant de Donald Trump, l’administration russe continue d’aplanir les obstacles et de créer de nouveaux liens d’amitié. Au sud et à l’ouest de la Moldavie, une vingtaine de pays membres de l’UE parlent d’abandonner, « à la manière du Brexit », le système mondialiste, que beaucoup voient voué à l’échec. Et depuis la chute de l’Union Soviétique, l’état critique de la Moldavie est une vitrine sur la plus grande expérience internationale de l’histoire. Pour citer Mme Greceanîi sur les dernières élections en Moldavie et l’inclinaison envers la Russie :
Nous avons gagné parce que la majorité des Moldaves penchent en faveur d’un partenariat stratégique avec la Russie. En 2014, notre actuelle coalition pro-européenne au parlement a signé un accord d’association avec l’Union Européenne et, franchement, nous n’avons presque rien eu en retour, bien que nous subissons de graves revers économiques en perdant le marché russe et notre partenaire stratégique. C’est ce qui arrive quand des politiciens, qui essaient de détruire les liens séculaires et les traditions entre nos peuples, prennent le pouvoir.
La femme politique moldave exprimait un sentiment grandissant à l’égard de l’Union Européenne. La Moldavie, le pays le plus pauvre des anciennes républiques soviétiques, est peut-être le pays d’Europe le plus laissé à l’abandon. Et les appels récents du sud pour que la Moldavie et la Roumanie se réunissent, laissent augurer de la plus grande des nations abandonnée de la région. La Hongrie, à l’ouest, commence aussi à se tourner vers la Russie, et la Bulgarie, au sud de la Roumanie, n’a jamais été tout à fait un satrape occidental. Les bouleversements à Bucarest à cause de la corruption réelle ou perçue du gouvernement, la situation actuelle de la Grèce, les vieux bruits en Serbie, et même des pays comme la Slovénie, envoient un signal clair. Nous voyons depuis quelque temps la preuve de la perte de confiance en l’alliance occidentale. Tomáš Kostelecký, directeur de l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences de la République tchèque à Prague, a dit ceci de la série des « 25 années après la chute du mur de Berlin » :
Dans l’ensemble, je pense que la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne sont des exemples de pays qui s’en sont bien sortis, alors que pour d’autres, cela n’a pas été aussi fructueux.
En 2014, un sondage effectué en République tchèque, montrait que plus de la moitié des gens considérait que la vie avant et après le règne soviétique était la même. En d’autres termes, la plupart des gens, même dans les pays les plus riches de l’ex-bloc soviétique, ne voient aucune différence entre les deux modes de gouvernement. Beaucoup de gens voient la différence de la soi-disant démocratie comme un mensonge. Bien qu’en permettant aux Roumains (par exemple) d’aller en Allemagne pour trouver du travail mieux rémunéré, la libre circulation est un atout, les Roumains qui choisissent de rester chez eux sont dévastés par la corruption, l’austérité et la perte de possibilité dans la mondialisation.
En 2014, un sondage en Roumanie a montré que la moitié des Roumains avaient une opinion positive de leur ancien dirigeant condamné à mort, Nicolae Ceausescu, et pensent que la vie était mieux sous son régime. Ce même sondage montrait que sur les 1460 personnes sondées, 54 pour cent affirmaient avoir un meilleur niveau de vie à l’époque du communisme, tandis que 16 pour cent la disaient pire. Je fais cette remarque à cause de l’importance stratégique et idéologique de la Roumanie. De tous les pays de l’UE, ce pays était de loin le plus favorable à la démocratie, les Roumains misant entièrement leur futur sur la promesse étasunienne. Je sais cela parce que ma femme vient de Roumanie et son père était l’un des héros méconnus de la révolution de 1989. La Roumanie a une tradition consistant à choisir le mauvais camp, et son adhésion à l’UE a rapporté à peu près autant aux Roumains qu’à leurs frères et sœurs séparés de Moldavie.
La dernière visite en Hongrie du Président russe Vladimir Poutine, a fait fulminer les grands médias occidentaux. Mais le fait que l’économie hongroise ait été massacrée par l’embargo alimentaire imposé par le Kremlin, en réponse aux sanctions des USA et de l’UE contre Moscou, n’est qu’un mauvais constat sur les politiques de l’UE dans la région. Voici ce qu’a dit l’autre jour à Kommersant le ministre des Affaires étrangères et du Commerce de Hongrie, Peter Szijjarto :
Selon nos estimations, au cours des trois dernières années, la perte s’élève pour la Hongrie à 6,5 milliards de dollars. Nous parlons des exportations. Comme le volume annuel des exportations hongroises se monte à environ 90 milliards de dollars, les pertes sont sévères.
Les récentes avances de la Hongrie à la Russie déboussolent les parlementaires à Bruxelles, tandis que les dirigeants comme l’allemande Angela Merkel, tentent de décongeler les relations entre Moscou et Washington sous le Président Donald Trump. La nouvelle vague de populisme qui balaye toute l’Europe est vue par l’aile gauche comme une conspiration russe, alors que ce mouvement est en réalité un retour sur le fourvoiement de direction. Ces anciens pays du bloc soviétique sont une sorte de test décisif montrant en premier lieu que l’UE ne s’est jamais comportée loyalement. L’Allemagne et le centre de l’Europe ont prospéré pendant un certain temps, alors que d’autres nations ont été laissées dans le marasme. Lors d’un récent sondage effectué en Hongrie, 75% des gens interrogés étaient en faveur de relations pragmatiques avec la Russie, contre seulement 5% qui pensaient que « la Hongrie ne devrait même pas parler au Président russe Vladimir Poutine ».
Le redémarrage turc avec la Russie, en particulier la relance du projet dit « south stream pipeline », reflète l’inclinaison envers la Russie en Grèce, Macédoine, Slovénie, Italie et chez d’autres anciens fans de l’OTAN et de l’UE. Le Président Poutine a félicité dernièrement la Slovénie pour l’avoir invité à un sommet avec Trump dans sa capitale, Ljubljana. La Slovénie, le pays natal de la première dame Mélanie Trump, est littéralement un tremplin pour ce dont certains se souviendront comme la proposition « de Lisbonne à Vladivostok » de Poutine. Peu importe la manière dont on classe tous ces mouvements géopolitiques, la nette tendance en faveur de la Russie ou les liens avec elle sont limpides. Le journal mondialiste Washington Post a dit de cette tendance que « les Européens s’inclinent devant la puissance de Poutine », alors qu’en réalité ce mouvement est guidé par le pragmatisme et la logique. Tourner le dos aux grandes promesses et à l’échec n’est qu’une démarche naturelle.
Enfin, en 2014, l’ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder a rendu la politique de l’Union Européenne responsable de la situation actuelle en Ukraine, et il a aussi exhorté l’Occident à mettre un terme aux nouvelles sanctions contre la Russie. Nous voyons maintenant que Schroeder avait raison. À l’autre extrémité du spectre politique allemand, dans le parti de la gauche allemande (Die LInke), le Dr Sahra Wagenknecht s’en est pris à la Chancelière Angela Merkel, à l’OTAN et à l’Occident en général, à cause de la mauvaise politique et du sabotage de la détente avec la Russie. Au cœur de ses arguments se trouve la vérité délirante des affaires en Europe de l’Est depuis la chute du mur de Berlin. Dans une interview à la radio allemande, Mme Wagenknecht a dit qu’une grande partie du problème de l’Europe venait des « indubitables intérêts économiques » (handfeste wirtschaftliche Interessen) des USA en Ukraine :
Il y a d’indubitables intérêts économiques : les Étasuniens étaient en Ukraine depuis le début. Ils ont même passé des accords avec des entreprises ukrainiennes, investi même dans certaines d’entre elles. Il y a donc des intérêts économiques concrets, et c’est d’autant plus crucial que l’Europe n’y a pas été associée (par les USA), mais cela agit contre nos propres intérêts. Cela signifie naturellement la paix et la coopération avec la Russie, en améliorant nos relations qui se sont nettement refroidies dans les derniers mois.
Le fil conducteur de la nouvelle crise entre l’Ouest et l’Est est « l’intérêt financier ». Ce sera l’objet de mon prochain article. Pour l’instant, par contre, ce n’est pas la Maison Blanche de Trump qui semble en désordre, mais Bruxelles et l’alliance de l’OTAN. Restez à l’écoute.
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